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Haïti: Rapport PetroCaribe, Yves Germain Joseph réagi

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Dans une correspondance adressée au Président du Sénat de la République Youri Latortue, l’ex Ministre de la planification et de la coopération externe, Yves Germain Joseph critique le rapport de la Commission spéciale d’enquête et d’anti-corruption du Sénat. M. Joseph dénonce le comportement des commissaires, qui travaillent dans l’intérêt de leur Camp politique.
La lettre de Yves Germain Joseph
Monsieur Youri LATORTUE
Président du Sénat
En ses Bureaux.-
Monsieur le Président du Sénat,
J’ai lu dans le long rapport de la Commission anti-corruption du Sénat deux passages qui me tiennent à cœur tout particulièrement parce qu’ils concernent ma gestion en tant que ministre de la Planification et de la Coopération externe de janvier 2015 à avril 2016.
Il s’agit de ma mise en cause dans la construction de la Place Hugo Chavez d’une part et dans une affaire d’avenant portant sur une surfacturation ayant pour base l’augmentation du kilométrage d’une voie routière en construction pour en augmenter la charge au détriment de l’Etat, d’autre part.
Commençons par la Place Hugo Chavez:
Nommé ministre de la Planification, j’avais un certain nombre de travaux à réaliser parmi lesquels figurait la Place Hugo Chavez en chantier déjà depuis quelque temps. Le ministère de la Planification jouait le rôle de maître d’ouvrage, l’UCLBP, maître d’ouvrage délégué et General Construction en était la firme d’exécution. C’était la énième place publique que construisait ou supervisait l’UCLBP. Mon rôle de ministre c’était de m’assurer, comme toujours, en matière de construction d’ouvrages publics en général, que toutes les étapes légales sont respectées notamment le montage ou l’approbation du contrat par le maître d’ouvrage-délégué, sa validation par la CNMP et par la CSC/CA- ce qui a été le cas dans ce dossier. Je n’ai jamais été informé d’une opposition quelconque ni de l’UCLBP ni des techniciens du MPCE réunis au sein l’UTE ou de la CNMP ou de la CSC/CA. Les dossiers validés, les travaux ont été exécutés et payés conformément au protocole établi dans ce marché comme précédemment.
Quand j’ai été reçu par la Commission Beauplan, j’avais entendu dire par un des membres, M. Nènel Cassis, qu’il n’y avait pas d’appel d’offre pour ce contrat. Je lui ai recommandé d’aller chercher les informations là où elles existent : dans les ministères ou dans les services publics destinés à cet effet, car les anciens ministres ne peuvent pas avoir en tête tous les détails sur les travaux exécutés. Moi, à ma sortie de la Commission, j’ai fait vérifier et il y a eu effectivement une dérogation de la CNMP pour l’exécution des parties du contrat dont j’avais la charge et leur validation par la CSC/CA. Le Sénateur Cassy, encore une fois, s’était trompé comme cela lui arrive souvent dès qu’il ne s’agit pas d’une décision d’un Gouvernement Lavalas.
La seconde faute qui m’a été imputée porte sur un avenant que j’aurais signé avec la firme Wenling chargée de la construction de la route Colladère-Cerca-Cabajal en l’augmentant de deux kilomètres qui l’ont fait passer à 17 au lieu de 15.
Je n’ai rien compris à cette histoire. Sénateur je suis désolé de vous rappeler certaines notions de base en dépit du grand savoir de vos collègues. On ne conduit pas une vérification comptable en cachette. C’est une profession qui a ses règles.
Le vérificateur sait, pour l’avoir appris, qu’il doit communiquer, discuter avec ceux qui sont concernés par son audit, inscrire leur déclaration et la discuter avant de tirer des conclusions. Cette histoire de route Colladère-Cercacabajal n’a jamais été discutée avec nous (le ministre Jacques Rousseau et moi) lors de notre interview conjointe par la Commission Beauplan – Cassis). Nous l’avons découvert dans le rapport.
Je sais qu’il y a eu une firme chinoise qui faisait la ballade au MPCE et au TPTC pour réclamer paiement de son dû- plus de 20 millions de dollars seulement au MPCE. Je sais aussi qu’il y a un Député qui n’arrêtait pas d’écrire pour demander la poursuite des travaux. Le budget ne prévoyait rien sur la ligne Petrocaribe pour payer cette firme. La firme ferma les chantiers et menaça de se démobiliser.
Après un temps d’attente infructueux, la firme écrivit, le 7 juillet 2015 au MPCE pour négocier la reprise des travaux afin de diminuer le coût des mobilisations qui s’élevaient à plusieurs millions de dollars et la dégradation des constructions. Elle proposa de négocier un avenant sur la prorogation des délais et les frais de mobilisation pour lui permettre de reprendre et d’achever les travaux dans un délai acceptable. C’est tout ce dont je me rappelle.
Je vais écrire au ministre en charge actuellement du ministère de la Planification afin de me faciliter l’accès à ce dossier pour me renseigner sur cette question de prolongation de kilomètres à laquelle vous vous référez. Tout cela n’eût point été nécessaire si la Commission avait jugé bon de me communiquer les informations en sa possession à ce sujet.
Par ailleurs je constate que l’orientation de cette commission n’est pas de permettre à l’Etat de récupérer les montants encaissés indûment par certains intouchables.
Quand vous utilisez ces grands mots “collusion”, “surfacturation”, “association de malfaiteurs”, vous omettez d’impliquer les sociétés qui seraient de mèche avec les fonctionnaires bénéficiaires de ces surfacturations. Est-ce parce que la Commission a peur d’aller vérifier la comptabilité de ces firmes qui financent le plus souvent les élections des parlementaires?
Je suis surpris de constater que, dans le nouveau rapport, on ne fait plus mention (on l’a peut-être exonérée) de la firme chargée de la réalisation de la route Fermathe-Soisson-Frères. Cette firme doit à l’Etat plus de 12 millions de dollars tirés des fonds Petrocaribe pour la construction de cette route. Sur dix-huit kilomètres, la compagnie en a réalisé huit. Il en manque dix et a déjà encaissé vingt millions. Je parle de GTC, Sénateur. Savez-vous vous à quel groupe politique elle appartient ? Voulez-vous leur laisser cette importante somme pour financer d’autres futures campagnes électorales ?
Un autre exemple:
Ministre, j’ai refusé de payer Cinq millions huit cent mille dollars ($ 5,800,000.00) à une compagnie chargée de la construction de la route de la Vallée de Jacmel. Son contrat était de vingt-et-un millions de dollars pour dix-neuf kilomètres de route comme GTC. Peu de temps après mon arrivée au MPCE, j’ai reçu la facture ci-dessus mentionnée dans mon courrier. Aidé de mes jeunes et brillants collaborateurs, nous avons décelé que c’était une facture frauduleuse. Nous avons aussi découvert que cette firme venait juste de saquer l’Etat de Cinq millions sept cent mille dollars ($ 5,700,000.00) peu de temps avant mon arrivée grâce à l’aide de ses contacts au MEF- (le MPCE ne disposant pas de ces fonds). Pour des travaux prétendument réalisés, mais sans contrat ou avenant et bien sûr, sans approbation de la CNMP et la CSC/CA. Pure fraude.
Chose curieuse, dans l’une des deux résolutions de Privert sur Petrocaribe, (que j’ai d’ailleurs donné en cadeau au Sénateur Beauplan en présence des autres membres présents de la Commission lors de mon audition), le Gouvernement de l’ancien président de la Commission des Finances du Sénat a octroyé six millions de dollars à cette firme ($ 6,000,000.00) pour travaux inconnus alors que je lui refusais 5.8 millions.
Ces chiffres ne semblent pas suffisamment importants à la Commission anti-corruption du Sénat pour nécessiter son intervention. Cela fait déjà Onze millions cinq cent mille dollars à une firme qui finance la campagne de certains sénateurs.
En attendant que je puisse obtenir des informations précises au sujet de cette histoire Colladere-Cercacabajal, je laisse ces réflexions à votre méditation. Je vous reviendrai.
Veuillez agréer, Monsieur le Président du Sénat, mes salutations très distinguées.
Yves Germain Joseph
Ex-ministre de la Planification

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